Rien n’est assez bon dans le déni.
Et attendre ainsi, les bras le long du corps,
Que bouge une ombre sous les pâles stores…
Et attendre ainsi, tout le jour, le long jour,
C’est le diable qui s’invite dans le soir d’alors,
Pour danser collé et serré la valse des regrets.
Sa bouche d’or réclame son pacte d’un baiser,
Mais rien ne m’est indéniable et encore moins le diable.
Son haleine a le goût de huit tonneaux de bière,
Ses yeux jaune-malade sont tourbillonnants,
Il peut ainsi avec la savante hypnose de ses deux soleils,
Prendre l’apparence d’une femme et avoir le goût du miel.
Et mon Dieu qu’elle est belle, son visage est changeant,
Mille muses maudites sont digérées par le ventre de Satan.
Rien n’est assez fort dans le déni.
Pour jouer des coudes avec la mort,
Il faut pour cela être bien en vie.
J’ai si peu mangé de ton fruit mignonne,
Qu’il me reste à me gâter de sa meilleure partie.
La satanée gâterie, déni, déni, déni !
*
Il y a dans les départements de mon âme
Quelques bastions dans la région de mon crâne
Qu’il faut explorer de toute urgence.
J’ai vu un paysage l’autre soir
Qui dans un repli fané de ma mémoire,
A refleurit sur de la poussière des âges.
Petit garçon au faciès angélique,
Qui court dans un champ de colchiques,
Après son cerf-volant et qui rêve à vive allure.
Sa louange, ô il rêve que ce petit losange
Le porte sans trêve jusqu’au touché des nuages.
Ainsi déjà, j’avais des désirs d’azur,
Quelques puretés m’ont fracturé l’âme,
Et mon crâne et un vase pour les fleurs de prairies.
Quelques vastes lumières sont entrées dans mon crâne.
Quelques fleurs sauvages dans mon bruire ont fleuri
Et qu’une poésie sans avenir voudrait cueillir,
Pour reformer le collier dans son recueil sans futur.
Mais c’est une main d’adulte habilitée qui ratisse,
Les jolis, les jolis myosotis qui font ma chevelure.
 ! Je n’ai pas assez de ce toupet qui font les hommes,
Pas assez de cette intelligence qui fonde leur réalité,
Pour les empêcher de tondre la rose de mes pensées.
 ! Je vois, autours de moi, les camarades de ma saison,
Pas un ne se lève pour défier le maître à son tison.
Il n’y a bien que le petit romanichel qui dort dans le fond,
Pour pousser son ronflement en forme de révolte.
Ô ! Qu’il est doux le petit sale qu’une institution de bonne femme
A tiré de sa forêt jusque dans notre assemblée de bons fistons.
Et alors je crie dans mon patois bien rond : Romanichel je suis de ta patrie !
Mais la bonne réponse était : Bonaparte !
Et je fus mis au pilori : Au coin fiston !
*
Je disais :
Il y a dans les départements de mon âme
Quelques bastions…
Revenons ici, inscrivons là le zéro de ma vie.
Je reprends mon glaive dans l’armurerie royale,
Je suis né du ciel, hé bien qu’il me baptise !
Jean-Baptiste des vents dévale de la brise.
Enfant du vent te voilà nommé,
Fils de l’Harmattan et du Blizzard.
Le Zéphyr et les moulins fatigués,
Le Simoun et les girouettes agacées,
Sont tes tantes et tes tontons.
Le Pampero Argentin a doublement sévit,
Dès le premier jour il a poussé vers toi,
La fée dont le cœur est une voile.
Puis toujours pour toi, il a dégagé un ciel
Celui fait d’une double toile : Castor et Pollux.
Il semble dire : Va, voyage, nous te protégerons !
*
Et l’enfant du vent dit :
J’ai enfin l’âme entière,
Un morceau du mystère
Et l’énergie du cœur,
Je me lève et je vais.