Du sable tombé du ciel
Il ne reste qu’un infini vague et monotone
Dans la ville décorée de poussière
Aux charmes orangés
Sous le soleil africain qui nous brûle la peau
Un soldat frêle s’enfonce doucement
Il touche une ligne infinie
Tissée par une araignée maladive
La terre tourne à chacun de ses pas
Apparaît un pêcher dans le paysage
La fortune est affaire de songeurs
Se dit-il en revenant sur ses pas
Tout à coup un gratte-ciel émerge
Sur le glacial Antarctique
C’est tout de même un peu mal venu
Pense un loup blanc passant par là
Qu’un machin droit comme ça
Éclate ma banquise
Un moribond des ifs
Attentif au tableau
Avoue que ça sent quand même le vinaigre
Un amas de gravats sur un si joli tableau
Quand les grizzlis se mettent de la partie
C’est la goutte qui fait déborder le vase
L’un d’eux applaudit
Les autres dansent une valse
Faisons le raffut jusque minuit
Dit l’orang-outang effondré
Qu’un voyageur culotté
Tiré de son lit dans la nuit
Fasse un saut jusque ici
On lui dira comment des gens
Pas même honteux sans un souci
Sont venus jusqu’ici se nicher
Et arracher cette perle comme on cueille du raisin
Corps merveilleux Où pianotent mes doigts
Sous la mer lunaire
Un cri vous soutient
Un chat blanc traverse l’horizon
Écrou ridicule
Qui siffle sans voix
Sort du bois un ver
Une fille sinon rien
En ramant on a toujours raison
Guerrier très vieux
Fils de dieu ou sinon roi
Fou parce que militaire
Tourne en rond va et vient
À jouer à ce jeu on finit en oignon…
Mer de myrte qu’imbibe un fou
Depuis la mature verte d’un vieux voilier
Quelques tonneaux passent à tribord
Le glas qui sonne est-il vraiment si mou ?
Un tatoueur fatigué de dessiner des étoiles
S’agenouille et pleure la tête dans ses mains
Parce que le dessin sur le dos devant lui
Le dévore et lui fait perdre ses couilles
Si vraiment l’avocat cagoulé légifère
C’est parce que l’assassin imprudent devant lui se met à poil
Qu’il rampe sur le parquet d’ébène
Et qu’il a une mine à faire pâlir les enfers
Une rigole autour du faubourg fait son contournement
Un oiseau pique son nez dedans
Un rat rieur lui saure au bec
Qu’il fait bon sur les pourtours du Temps !
Dans tel état belliqueux dont je me souvienne
Serpente une harpe aux contours magnifiques
Gage d’un nouveau cauchemar dans la nuit d’ébène
Les souriceaux rabougris y plongent leurs orteils
Quand un malsain orgueil souffle leurs cercueils
Et qu’innombrables s’animent les yeux de deuil
Le curé flamboyant voit surtout le soleil
Qui s’assoit su un banc vert en l’illumine
Un miel plus translucide que le taureau dans l’arène
Fait gonfler la pluie aride
Il bourdonne un papillon qui expire
Au bord de la rivière aux eaux insondables
Un vélo malheureux fait pleurer ma guitare
Nous parlons de la peur
Alors, vous apparaissez,
Sentinelles mercantiles
Qu’un oiseau maladroit ne vous blesse
Et que sous les échancrures du temps
La maladie ne vous abîme
J’ai bu votre vin et je vous laisse rire à part
monstres séniles aux papilles calomnieuses
Qu’une cynique destinée pétrit de mille mains gaillardes
Comme un boulanger fait son pain
Tendresse atlantique
Sous les cataractes du passé
L’océan des tempêtes
A mille lunes qui sur lui reflètent
Chimie de l’eau et de la flore
Bal de musettes entre les algues d’eau salée
Verdoyant pictural
Gare à toi, araignée de ventouses
Une bague dorée s’approche de tes doigts
Un songe
Mire d’une nuit d’été
Sous l’aquarelle de minuit
Sous les bille stagnantes que l’on appelle
Sagesse
Un songe aux teintes violacées
Pareil à l’eau des coquelicots séchés
Circule aux contours des petits pots
Vides
Soigneusement placés
Qu’une main malhabile renverse
Et brise…
Des mille morceaux de verre
Versés dans les sceaux dorés
Naissent des formes variables
Et qu’un pinceau illumine
Un sac d’amandes déchiré
Laisse tomber les petits fruits salés
La peinture des bancs des amoureux
S’écaille
Il ne reste sur le sol piétiné
Qu’un petit monticule de miettes
Colorées
Il ne reste sous les sceaux dorés
Que le contour des mots manqués.
juillet 2005
En août, étoiles
Révérencieux comme l’eau qui s’écoule Sur un caillou lisse
Un vice insidieux dérape sous une échelle
Intuition que la superstition ne déborde plus
Une main d’adulte blanche comme celle d’un enfant
Fait du remous sous les cailloux d’eau douce
Une coccinelle remue ses pattes
Étendue à mille lieues de là sur un hamac
Je te vois les mains posées sur tes hanches
Transcendant mon âme pleine de brume
En me disant qu’un se fout bien des anges
Tant qu’on se complaît sous la lune
Minute grise Un peu avant midi, un peu
Après l’eau rose
Quand la nuit fut exquise
Dans ce lit en feu
Que l’iris dispose
Minute rose
Au fond de la remise
Près du jardin des fraises
Et parmi toutes ces choses
Dans la nuit assises
Comme un muse sur une chaise
Minute rouge
Cristal d’alchimiste jovial
À travers la friche
La grande aiguille s’étale
Comme une tige et fleurit.
Art liturgique au sommeil dansant
Je vous loue et vous fait la grâce
D’un adieu délirant
Qui laisserait ses traces
Près de vous mille ans durant
J’ai objecté à vos soupirs un aveu charmant
Plongeant ma main au milieu des ténèbres
Y saisissant le néant
Et l’araignée douce des matin funèbres
Inaccessible indolente à l’éveil charnu
Au cou dur et comme resserré par une minerve
Enfant des orfèvres je lui dis salut !
Et qu’on ajoute à ce cahier adoré
L’insatiable voûte aux paniers de velours
Imaginable goutte lourde et pleine de bonté
Écorchée et saignante, emmenée par le vautour
Nos nuits où le chêne chante Transi par le bruit des moteurs
Me pressent et m’enchantent
Attelé à ce lent labeur
Un chercheur éclate de joie
Puis baisse les yeux et passe le chemin
Frappé au col par l’effroi
Unissant comme en prière ses deux mains
L’ange noir pleure
Deux écureuils se disputent une noisette
Il se prépare un grand malheur
Le magicien lâche sa mallette
Et dans le cirque enfumé de poussière
Un as de pic s’enflamme
Autrefois si fier
Le joueur cherche une femme
Dans la brume horizontale
À l’indéchiffrable horizon
Le vent furtif parvient encore
À tirailler du fond des orifices
Les grains de sable à califourchon
Le vent siffle sous la pelure polaire
Du voyageur solitaire
Se détachant peu à peu
De l’agitation stellaire des cités civiles
« Éloigne-toi, pars loin de moi »
Me susurre alors Mercure désespérée
« Et, quand tu seras là-bas,
Vers Saturne ou Jupiter
Étends tes bras pour accueillir Vénus ! »
Ne verse, je t’en supplie
Ne verse pas de larme de sang
Et si on se retrouvait, hein ?
Si on se retrouvait ?!
Chacun a ses fruits
Le marchand dans les prix
Le poète dans les mots
Et le jardinier dans les couleurs
Et le boucher qui m’écoeure
Avec ses maigres cadavres
Et les bourreaux qui ont au cœur
La saveur aiguisée des guillotines
Une ombre agonisante
S’agenouillant à marées basse
Sur une plage grise
Écorche lentement ses mains crispées
Dans la cave d’une fraîcheur de tombeau
L’alchimiste statufié pleure
La pierre cristalline est devenue fragile
Et ses larmes pareilles au granit
S’effondrent rebond après rebond
Une grande statue
Dans le jardin des maraîchers
Décroche sa tête du ciel qui la tenait
Et se met à marcher toute nue
Quand une automobile passe à côté d’elle
Et lui met du sable plein la figure
Qui la rend toute frêle
Et de la même couleur que l’azur
Elle s’agenouille pour se tailler les veines
Mais comme il n’y a pas de sang qui coule
Et qu’elle a de la peine de mourir ainsi
Elle se relève avec un sourire amer
Mais ce n’est pas là le bout de ses peines
La voici la voilà qui s’effrite
Et bientôt elle s’aperçoit
Que le sable qui l’aveugle
C’est la poussière ensanglantée de ses sœurs
Sous une brosse ridicule
Près du fourneau froid
S’étale un tissu aplati
Emprunté pour la couture
Et, sinueux et viril
Le latin abandonné
Par l’aiguille à tricoter
S’écartèle et craque
La langue d’autrefois se brise
Et laisse apparaître
Des formes sinueuses
Dans les jardins du paraître
Desnos, qui m’insuffla son langage
Sous une tente rouge
Me fit parcourir les pages
Du jardin défendu
Casimir avait observé longuement l’édifice
Chaque pierre avait été méticuleusement déposée
Cela se voyait
Bientôt il y aurait un four à pain au milieu
Pour un vieux berger c’était peut-être un caprice
Mais comme il voyait l’océan s’embraser
Il sniffa un trait
Et tout devant lui est devenu bleu
Calmement il suffit de jeter les dés
De les jeter dans un bol bien creux
Avant que nos mains ne faiblissent
Tant on nous les époussetait
Garde toi de poursuivre, habile lecteur
Une méditation profonde il n’y a
Sous les pierres et sous le fiel en feu
Qu’un climat ombrageux qu’une cage
De maléfices
Cimetière d’airain dans la galerie aqueuse
Les croix grises ont les atouts pour faire
Du sentier qui les côtoie une allée de misère
Et du vent qui passe entre elles une allée qui les creuse
De ta fontaine au milieu coule goutte à goutte
Une eau délicieuse
Que les feux follets dans la pénombre envoûtent
Filmé pour un pari né jadis
Il devait se retourner dans le miroir
Comme sa tante lui avait dit
Au fond d’un vieux manoir
Carpe délicieuse au fond d’un jus aux oignons
J’emprunte à ton âme un œil devenu blanc
Comme jadis le pari c’était
Que je le croque
Je m’y prépare avec raison !
Dans le matin surgissant
Aux yeux bleus et sans ficelle
Cheminant hagard et décousu
Après la nuit, au milieu du vestibule
Je t’ai vu sous le Joux ridicule
Et humide, et plein de zèle
D’un malheureux inconnu
Fatigué de faire avancer sa mule
Alors, emporté et blessant
Poussé par dix petits doigts cruels
Tout ridés et moitié nus
Tu m’as reconnu, assis comme autrefois dans ma bulle
Serpent d’or à la langue ondulante
Qui s’embellit à chaque instant tel une pluie de sel
Vertueux innocent tu m’as bien cru
Je suis devenu libellule
Irrévérence, mon dieu
Vous qui n’êtes plus
Mon dieu
Je vous avais, Paris de la commune me l’ordonnant
Fait, Paris le sait, ancêtre piteux
Et, comme un sachet de musc dans une armoire
Je m’étais étendu
Vous au repos,
Moi à l’écoute
Sous vos funestes draps
Quand, imbibé de votre huile
Ma Mère, dans l’encens et le baume
Se laissa dorloter
Je n’ai pour vous,
Piètre malotrus
Qu’un tissu de fourmis
Par la sève éveillées
Et qu’une malheureuse bougie
De cire blanche achetée bon marché
Qu’aucune de mes démarches ne vous blesse
Elle n’est qu’un chemin sinueux vers votre sainteté
Qu’une allée de beauté dans le brouillard
Des âmes
Qui me sont chères
Aurore éreintée
Sifflement de l’été indien
Pour l’enfant allaité
Un siècle magicien
Un mirador hébété
Devant la candeur enfantine
Fait mine, cet été
De n’avoir que des frimes
Et pourtant, le protégé des maraîchaux
En a vu des cent et des mille
Des passants au fourneau
Devenir moins que civils
Mon cœur ahuri retient encore
De la liste écartée des enfers
Le gilet rose de l’enfant et son corps
Sur un tapis roulant atterrir
4 août 2005
Mon ange et mon jardin de fleurs
Soumis à mon Joux comme deux fantassins à leur capitaine
Comme j’ai mal de devenir fou de vous
Comme soudain mon dégoût devient de la haine
J’ai, ma muse, trop de malheurs
Que mon chagrin ne freine
Et sous la forêt vierge des heures
Les pouces s’abaissent dans l’arène
Qu’un oreiller fougueux
À l’heure où je vais mourir
N’exerce son fantasme creux
Dans l’agonie et dans le pire
J’imagine un train qui freine
Avant la fin du tunnel
Le jour toujours à venir
Et le matin collant et le matin ivrogne
Opercules mondains !
Enfants de Zeus et d’Aladin !
L’empire de Lesbos est pour ceux
Que ne ralentissent les alexandrins
Un calme jardin
Dans la forêt des ténébules
Mot nouveau inconnu des libellules
Et qu’aucun de vous ne craint
Je tends vers vous une main
Rouge de son sang taillé avec vergogne
Qu’un amiral marchand de daims
Avait pris pour du vin
Il s’est abreuvé comme d’un festin
De cette eau coulant d’entre les pognes
Et quand arriva le lendemain
De le saouler encore il pria la patronne
Un singe de cirque
Accroché au mas de cocagne
Siffla la foule qui le scrute
Sa voyeuse compagne
Quand un poilu sur sa barque
Glisse dans la sphère lunaire
Dans ce lac de poussière
Bien loin de leurs mimiques à tous ces gens
Et qu’un orgueilleux le remarque
En voyant sur le parquet linéaire
Attiré par les remords d’hier
Ces cyniques malveillants
Un passant dans le public
Devant le jeu de castagne
Et quand le poing ganté arrivé au but
Salue celui qui gagne
Un semeur et son ombre
Tirent la semaille du sac
Et bientôt contournent une tombe
Quel illuminé foldingue t’a-t-il donc donné cette corde ?
L’ascète
Dans son lit droit comme un pic
Sans voix
Entend la fête
Dehors où il fait froid
Des danseurs d’Afrique
Et il rit
Un avion décolle
Qui monte encore
Un avion blanc
Emmenant des voyageurs
Un nuage bleu le frôle
En un corps à corps
Maladif et fumant
Et grésille de terreur
L’air cosmique s’éparpille
Les blés glacés se couchent
Les fourmis sur le gril
Seront servies brûlantes
D’un œil maladif et mauve
Je lance, sous ta pitié cruelle
L’amour qui n’est pas celui d’un fauve
Et l’espoir auquel mon sang se mêle
J’étale le sable chaud
De mes mains plates
Et je baise l’édifice depuis l’échafaud
Écartant de mon front les sales pattes
Dénudé je m’enfonce dans le givre
Et devant ta grandeur infinie
J’avale le vin qui m’enivre
Et dont Madame se méfie
La vérité est un lac obscur
Où s’éteignent les rumeurs
Et qu’un voyageur attentif
À la pointe de sa barque
Aiguise pour les rendre silencieuses
La vérité
Autour de la colline
Fait frémir le sommet
Et le creuse et le fait bouillir
La vérité
Menteuse et sereine et gaie
Illimitée
Étrange, à la fin du périple
Du vagabond de la nuit
Suave et vide et silencieuse
Avec son charme ultime
Avec sa langue en veilleuse
Et son nénuphar sublime, absent
Et merveilleux
Gifle les fougères affolées
Vertigineuses, et coupantes
Usées par les eaux vives
Elle expire à l’autre bout du monde
Et se griffe le crâne avec u peigne pointu
Elle sourit là où ma rigole
S’écarte de la rue
Et caresse les cadavres de ses pieds nus
La vérité
Qui flagelle en songe toute vertu
Toute hirsute de ses orgies si peu fécondes
Et qui égalise, ronde de nuit oblige
Sa bougie délicate
La vérité vous dis-je
Son orgueil et sa beauté
Dans le creuset des trahisons éperdues
Périlleuse
Les yeux fardés
Sanglante et nue
Écorchée, en chute
Farouche, ronflante et gracieuse
Aux longues gerçures
Vérité, femme savante
Femme fumeuse de havane
Adoratrice d’opium
Femme, femme, assurément !
L’alchimiste avec ses lèvres vermeilles
Me sourit d’un regard indolent
Et sur la table,
Équitable pareille
À cette heure en hauteur
Comme en largeur
Pittoresque et chenillée
Il y a une boîte
Ronde et dorée
Avec trois fraises rouges
Dessinées dessus
Se laissant dorloter
Dans le velours des feuilles en vie
Et je pourrais continuer
Mon inscription solennelle
Mais mon œil est fragile
Et mes doigts en copeaux
Je voudrais, c’est classique
Me reposer un peu
Août 2005